Chez Kylotonn #3 – À propos de la création des véhicules
Cet entretien avec Philippe Dassonville a été réalisé dans le cadre d'une visite des studios de Kylotonn (retrouvez l'introduction ici). En tant que Lead Vehicle Artist, Philippe a la charge d’une équipe de quatre personnes, dédiée aux stars du jeu : les véhicules. En tout, trente-sept formes (shapes) sont présentes dans Generations, dont sept nouvelles. Un record ! En effet, les opus précédents en ajoutaient quatre au maximum. Heureusement, l'équipe de base a été aidée par des ressources externes (outsourcing) qui se chargeaient notamment de la modélisation de base.
Différentes phases sont suivies lors de la création d'un véhicule : modélisation, création du modèle LOD0 (le modèle qui est vu par le joueur au premier plan), création de l’UV (pré-phase avant l'application des textures), création des textures pour l’intérieur, création des textures de la livrée, intégration. Chaque voiture prend en moyenne soixante jours-hommes à être créée en partant de zéro. Cela passe à cent en allant jusqu’à l’intégration, c’est-à-dire l’ajout du véhicule dans le moteur de jeu. Car ce sont les concepteurs qui entrent eux-mêmes les détails des véhicules dans la base de données préparée par les développeurs (catégorie, icône, modèle, texture, caractéristiques...). En sachant que le choix a été fait d’offrir des performances similaires à toutes les voitures d’une même catégorie. Bien que ce ne soit pas le cas dans la vraie vie, il serait trop difficile, et surtout peu amusant, de proposer des véhicules déséquilibrés. Cependant, la physique reste différente selon les catégories, avec aussi une foultitude de réglages spécifiques pour tous les véhicules historiques.
Parfois, la conception des véhicules est initiée grâce aux fichiers CAD fournis par les constructeurs. Avec leurs millions de polygones, jusqu’aux détails de chaque écrou, ils sont inutilisables en l’état, car bien trop gourmands, transformés en une sorte de « moule ». Les données issues des blueprints, des schémas de conception avec les cotes, sont très appréciées, mais tous les constructeurs n’aiment pas partager leurs secrets. Du coup, parfois, il ne reste que les photos. Voire des recherches sur internet pour trouver des sources. C'est notamment le cas pour les véhicules historiques pour lesquels il est très compliqué de trouver des informations officielles. À savoir que le scan 3D n’a jamais encore été utilisé, mais c'est une technologie que KT étudie pour le futur.
Pour arriver à un modèle d’environ 200 000 polygones en LOD0. Des contraintes qui ont pu légèrement évoluer depuis WRC 10, grâce notamment aux améliorations apportées au moteur, qui gère toujours mieux le rendu graphisme.
Dans tous les cas, la création d’un nouveau véhicule débute bien souvent par un rectangle aux dimensions exactes, avec comme objectif que tout rentre dedans ! Il est important de prendre un bon départ et de ne pas négliger cette phase de conception initiale. Le premier véhicule qui a été créé pour Generations, la Citroën C4, a été mal initiée, c’est le véhicule qui leur a posé le plus de souci, et qui a amené à être le plus critiqué par son constructeur avant d’arriver à la version finale.
Pour les livrées, les grosses équipes partagent des fichiers vectoriels. Il faut dire qu’elles sont très à cheval sur la position et la taille de chacun des logos. Pour les plus petites, notamment celles des catégories inférieures, cela passe par des photos sur site, réalisées lors des premières manches du WRC. La personnalisation offerte aux joueurs passe par la création d’une texture spéciale blanche, un sorte de masque, qui définit les endroits modifiables.
Quand j'interroge Philippe sur les connaissances indispensables pour être un bon Vehicle Artist chez KT, étonnement, il insiste davantage sur la création des textures. En effet, les formes globales sont souvent réalisées en externe, et c'est donc au niveau du polissage, et surtout de l'apparence finale que le gros du travail reste à faire. Du côté des outils utilisés, Substance Painter et Photoshop.
Generations est le premier WRC de Philippe, qui travaillait auparavant dans la conception d’hélicoptères (il fait aussi des environnements et des vaisseaux spatiaux sur sa page ArtStation). C’est également son premier jeu. Sans compter qu'il travaille entièrement à distance, n'étant ni sur Paris, ni sur Lyon. Et qu'en plus certains des membres de son équipe avaient, eux, déjà travaillé sur un WRC, et possédaient donc une meilleure connaissance des outils. Autant de défis qui ont été relevés avec brio (en tout cas l'espère-t-il), durant cette très courte année de production.