KARMA : The Dark World – Un premier jet magistral
Version testée : PS5 Pro
Plates-formes disponibles : PC, Xbox Series et PS5
Genre : Aventure narrative (Walking-Sim) / Horreur
Prix conseillé : 24,99€
Date de sortie : 27 mars 2025
Studio / Editeur : Pollard Studio / Wired Productions
Clé fournie par l'éditeur, merci à eux !
Fin janvier 2025, je vous proposais une première prise en main de KARMA : The Dark World, qui ne m'avait pas laissé indifférent, grâce à sa mise en scène léchée et son ambiance assez unique mélangeant diverses inspirations, de 1984 à Control en passant par Observer… C'est assez varié mais conçu avec intelligence et avec un sentiment persistant d'être observé. J'attendais depuis lors l'arrivée du titre complet, qui a débarqué la semaine passée dans une indifférence quasi générale, la faute à un calendrier surchargé. Entre Assassin's Creed: Shadows, South of Midnight ou encore Wednesdays, j'ai pu passer une demi-douzaine d'heures éprouvantes en compagnie de Daniel McGovern, agent de la pensée pour une compagnie curieuse nommée Léviathan.
Le jeu nous plonge en 1984, dans une Allemagne de l’Est alternative où Léviathan, une entité tentaculaire, impose un contrôle total sur la population via une surveillance omniprésente et des technologies manipulant les esprits. On y incarne Daniel McGovern, un agent du Bureau de la Pensée, capable de s’infiltrer dans les esprits des suspects grâce à une technologie appelée "Mind Dives". Ce qui commence comme une enquête de routine sur un employé suspecté de trahison évolue rapidement en un cauchemar introspectif, où les frontières entre réalité et illusion vont se confondre.
Visuellement, Karma : The Dark World est une claque. Les environnements dystopiques, mêlant béton brut, néons vacillants et rétro-tech des années 80 évoquent l’esthétique froide et oppressante de l'œuvre de George Orwell, revisité pour l'occasion. Les plongées dans les esprits des suspects, quant à elles, déploient des tableaux surréalistes dignes de Lynch : rideaux rouges, parquets en zigzag rappelant la Red Room de Twin Peaks, et des séquences où l’espace et le temps semblent se dissoudre. L’Unreal Engine 5 est utilisé à bon escient et magnifie une folle direction artistique, offrant des textures d’une richesse hallucinante et une atmosphère pesante qui flatte la rétine. Cela ne se fait toutefois pas sans heurts sur PS5 (Pro), avec un jeu qui peine parfois à maintenir un framerate stable. Heureusement, c'est occasionnel, mais sur certains passages, c'est particulièrement perceptible et ça tombe pile à un moment où on aurait préféré éviter ce désagrément.
Côté gameplay, le titre mange à divers râteliers. D'emblée, on peut penser à Observer pour son concept d’exploration mentale, où l’on fouille les souvenirs à la recherche d’indices, résout des énigmes légères (manquant parfois de clarté !) et on interagit avec des fragments de conscience souvent bien ravagés. Les influences de Control se ressentent aussi dans la manière dont les environnements se déforment et jouent avec notre perception, bien que Karma mise davantage sur l’ambiance que sur l’action. En dehors de quelques puzzles et certains passages précis, on passera le plus clair de notre temps à marcher (ou courir, héhé) et interagir avec les quelques éléments du décor.
Mais c’est dans son ambition narrative que Karma : The Dark World révèle tout sa superbe, piochant autant dans les œuvres de Lynch que dans celles du célèbre Hideo Kojima. Le jeu aborde des thèmes profonds – capitalisme oppressif, manipulation de la pensée, la quête d'identité et sa fragilité intrinsèque – avec une audace rare pour ce médium. Le studio saute à pieds joints dans les sujets polémiques et aborde la traite humaine et autres dilemmes éthiques, souvent de manière crue et graphique. C'est peut être d'ailleurs le souci principal du jeu, qui cherche absolument à balancer ses idées et à les mettre en scène, quitte à diluer son propos. Le titre peine en effet à se forger une identité propre à force de vouloir exhiber ses influences principales. Karma trébuche sur certaines de ses références (ça se voit dès les premières secondes avec l'action prenant place en 1984) et une narration qui, bien que fascinante, manque de cohérence dans ses derniers actes. La fin ouverte, sujette à interprétation, ravira les joueurs désireux d'élaborer des théories sur le net. De mon côté, j'aurais préféré avoir une conclusion plus "tangible".
Karma : The Dark World est un jeu dingue, au sens littéral. Il impressionne par son audace visuelle et thématique, transporte par son atmosphère unique et désoriente par sa mise en scène folle. C’est une œuvre pour les amateurs de récits qui dérangent, ceux qui apprécient se perdre dans un labyrinthe mental et qui sont à l'aise à l'idée de ne pas avoir réponse à toutes les questions que le jeu pose. Si vous êtes prêts à plonger dans un cauchemar dystopique où Orwell, Lynch et Kojima se croisent dans une mêlée chaotique, alors l'œuvre de Pollard Studio est pour vous. C'est un voyage que je n'oublierai pas de si tôt. Heureusement que Wanderstop est ensuite sur ma liste, pour calmer un peu ces heures de névrose !