Life is Strange : Double Exposure – Max est de retour
Version testée : PS5
Plates-formes disponibles : PC, Xbox Series, PS5
Genre : Aventure narrative
Prix conseillé : 49,99€
Date de sortie : 29 octobre 2024 (Accès anticipé depuis le 15/10)
Studio / Editeur : Deck Nine / Square Enix
Clé fournie par l'éditeur, merci à eux !
Il aura fallu attendre presque une décennie pour voir Maxine Caulfield revenir sur nos machines. A sa sortie en 2015, le jeu m'a marqué et m'a changé à jamais, m'aidant à assumer qui j'étais et me faisant prendre conscience que l'amour n'a pas de sexe. Ca paraît bateau dit comme ça, mais l'éducation que j'ai reçue ne m'avait pas fait prendre conscience de cela. Un jeu assez intime donc, vous en conviendrez, qui crée une attache et rend de facto difficile l'objectivité de ma critique. Pour autant, je vais tâcher de faire au mieux et vous livrer mon avis, celui d'un amoureux de la licence, certes silencieux, mais présent.
Cette critique contiendra des spoilers majeurs liés au premier épisode, n'allez pas plus loin si vous n'avez pas fait le jeu. Vous voilà prévenu.
Si je précise "sur nos machines" durant l'introduction, c'est parce qu'on a eu l'occasion de revoir Max dans d'autres médias entre temps, notamment sous forme de comics, qui prend une option loin d'être anodine. A la fin du premier jeu, on fait le choix entre sacrifier Chloé pour sauver la ville d'une immense tornade, ou laisser la tempête détruire la ville et partir avec notre moitié. Dans les comics, on suit le voyage de Max en compagnie de Chloé, signifiant donc que la ville a été détruite. Pour être tout à fait clair, et au risque de décevoir de nombreux fans, Deck Nine a choisi de ne pas poursuivre cette chronologie là.
Le début de Double Exposure nous place dans la peau d'une Max plus âgée, professeure d'université donnant des cours de photographie à Caledon, une faculté très britannique dans l'âme (et par ailleurs très belle à visiter, même si limitée à deux bâtiments seulement) où elle semble avoir pris ses marques, puisqu'elle connaît du beau monde, étudiants comme professeurs. On passe ainsi du temps avec Safi, qui est la nouvelle meilleure amie de Max, et qui nous met rapidement dos au mur en posant la question qui fâche concernant Chloé et qui énervera beaucoup de fans. Avec ce choix, D9 relègue le personnage de Chloé au passé, un choix audacieux, bien que compréhensible. Pour ma part, ayant opté pour le canon du sacrifice de la jolie punk, j'avoue ne pas avoir été dérouté plus que ça, surtout que le comportement de Max est plutôt cohérent. Encore aujourd'hui, elle est marquée par ce souvenir douloureux et son choix a des conséquences sur sa personne et ses capacités.
Car oui, exit le pouvoir de rembobiner ici. Ce dernier s'est envolé en même temps que son choix impossible. Toutefois, on ne reste pas longtemps sans capacité, Deck Nine nous embarquant rapidement dans une nouvelle aventure aux multiples rebondissements. Pas de spoil ici, vu que c'est dévoilé dans les communications de l'éditeur : une personne proche de Max va mourir, ce qui va avoir des répercussions sur tout son entourage… et sur notre héroïne, qui va se découvrir une nouvelle capacité : celle de passer d'une réalité à l'autre. Cette aptitude va s'avérer précieuse, puisqu'elle permettra d'enquêter en passant d'un monde à l'autre. Dans un monde, la personne est morte, tandis que dans l'autre, rien n'est arrivé. En fouillant et en communiquant avec les personnages de chaque réalité, Max va ainsi avancer dans son enquête et découvrir d'autres secrets, plus ou moins bien gardés et à l'impact variable.
Je m'arrêterai ici pour l'histoire, ne souhaitant pas trop en dévoiler, mais avec ce nouvel opus, Deck Nine semble vouloir opérer un tournant pour sa licence. Exit l'aventure narrative à l'ambiance chill ici. Max a grandi et se la joue davantage Veronica Mars/Nancy Drew, se révélant toujours aussi douée pour fouiner et ayant toujours cette capacité à communiquer (parfois maladroitement) avec les autres.
Si l'écriture de l'œuvre m'a un peu désarçonné au début, j'ai retrouvé la Max que j'ai connue et aimée au fur et à mesure de ma progression. Très clairement, le jeu prend beaucoup de temps à installer son récit, son ambiance et ses personnages et risque de perdre du monde en chemin, mais pour ceux qui persévéreront, ça en vaut le détour, croyez moi. Les protagonistes gravitant autour de Max sont tous intéressants à leur manière, étudiants comme professeurs. Jeu "Life is Strange" oblige, vous retrouverez un casting de personnages extrêmement variés qui ont une force qu'on voit trop rarement dans ce média. Plutôt que de bêtement cocher les cases "Diversité, équité et inclusion", le jeu dépeint des personnages certes issus de minorités, mais qui ne sont pas uniquement là parce qu'issus des dites minorités. Chaque personnage a son vécu, ses combats et dégage quelque chose qui crée de l'attachement. Mes coups de cœur sont sans conteste Moses et Gwen, qui m'ont conquis très rapidement et jouissent d'un acting proprement remarquable, avec une VF qui n'a globalement pas à rougir de la VO. Même certains personnages agaçants de prime abord, comme Loretta ou Vinh, se révèlent au final être des êtres attachants, qu'on découvre en vaquant d'une réalité à l'autre. Et pourtant, Vinh part de loin, ramenant pratiquement tous les sujets à la drague lourdingue et au cul. Sans doute le seul personnage qui plaira à la fange anti-woke.
Sur l'aspect narratif, c'est pour moi convaincant. Côté ambiance, j'imagine que le jeu risque de cliver aussi. Avec True Colors, Deck Nine avait repris le style des premiers épisodes en tentant quelques innovations par-ci par-là, et en amenant beaucoup de couleurs. Avec Double Exposure, le studio s'émancipe un peu plus et propose une direction artistique qui s'inspire grandement des précédents volets, mais ne propose pas le même rendu. Le tout me semble un peu moins "incarné" et original, même si le studio n'a clairement pas à rougir de ce qu'il a proposé. Je l'ai dit plus haut, Caledon est un endroit magnifique, et les quelques autres lieux que l'on sera amené à visiter (un bar ou encore le chalet de Max) regorgent de vie et de détails et récompensent la fouine en nous, proposant de récupérer quelques collectibles et de nouvelles opportunités de dialogue. Chaque réalité propose également une ambiance très différente, l'une ayant un rendu global très terne, pour ne pas dire froid, tandis que l'autre réalité se veut chaleureuse.
Cela m'amène au gameplay, qui n'a pas réellement évolué depuis le premier. La touche qu'on utilisait pour rembobiner sert à présent à passer d'une réalité à l'autre, et celle permettant d'avancer le temps apposera l'autre réalité sur la nôtre, proposant un rendu ma foi assez original, et quelques chouettes idées de gameplay, que je vous laisse le plaisir de découvrir. Pour le reste, vous connaissez. On visite, on dialogue, on fait des choix (à l'impact variable) on récupère quelques objets et on consulte ses réseaux sociaux. Le réseau social proposé pour l'occasion est par ailleurs aussi précieux qu'embêtant à utiliser. Du haut de mes 14 heures de jeu, j'ai du passer bien 1h30-2h à juste lire ce dernier. On est constamment interpellé par le jeu qui envoie des notifications à chaque fois qu'on effectue une action, avec parfois des publications qui n'ont aucune valeur ajoutée, et d'autres, des éléments super importants qu'on oublie de consulter tant on en a marre d'ouvrir et refermer le menu, surtout quand on doit se coltiner les messages d'une réalité puis de l'autre. L'idée est bonne, et ça approfondit grandement l'univers (en plus, on a la chance de voir des messages de personnages d'anciens opus !), mais on y passe trop de temps, ce qui nuit un peu à l'ambiance.
Enfin, côté audio, puisque c'est une grande partie de l'ADN de Life is Strange, vous serez ravi de retrouver la comédienne de Max en VO, et de constater que le jeu s'en tire franchement bien. La version française est aussi de haute volée, et je me suis surpris à faire toute la seconde partie du jeu en français, alors que j'avais débuté avec la VO. Les musiques d'ambiance quand on se pose ou qu'on a une cinématique, sont bonnes aussi dans l'ensemble, même si j'ai trouvé qu'elles sonnaient moins "authentiques" que dans les premiers épisodes. J'ai parfois eu l'impression que le studio insérait des musiques au forceps en tentant de nous duper avec une guitare sèche, une voix éraillée et un "t'as vu, on a compris ce que tu voulais dans le jeu hein". Outre ça, je dois aussi remonter quelques soucis de son. A 2 moments dans l'aventure, durant le chapitre 3, je n'ai pas eu de son pendant 5 minutes, durant toute la durée d'une scène. Redémarrer au checkpoint, relancer le jeu et la machine n'a rien donné, ça semble donc être un véritable bug. Le mixage vocal est lui aussi un peu curieux, avec une VO bien plus basse que la VF. J'ai joué avec le volume de mon casque à 80 en VO, alors qu'en français, j'ai du baisser à 35 pour revenir au même stade.
Mes attentes envers Life is Strange : Double Exposure étaient fortes, autant que mes craintes que ce ne soit un jeu oubliable. Au final, après des débuts compliqués, ce fut un vrai plaisir d'incarner Max dans une nouvelle aventure aux airs de thrillers surnaturels. J'ai été happé par cette enquête qui s'étale sur 5 épisodes d'environ 2h, voire le double si on fouille tout comme moi. Les nouveaux personnages sont attachants, la nouvelle capacité de Max est moins "impressionnante" sur le papier, mais est plus remarquable et amène de nouvelle manière d'aborder le jeu qui dynamise l'enquête et fait de notre héroïne une chouette Nancy Drew, indiquant par là-même une potentielle direction pour le futur de la série. Pour ma part, c'est un coup de cœur. Mais je sais d'ores et déjà qu'il s'agira d'une entrée clivante dans la licence, vu le noyau de fans très attaché au couple phare du premier jeu. Espérons que ça n'affecte pas les ventes d'un jeu qui mérite qu'on regarde plus loin qu'au travers du prisme de fans.