Publicité

Syberia: The World Before

Je n'avais pas eu l'occasion de jouer au quatrième opus de Syberia à l'occasion de sa sortie, en mars 2022. Mais Microids m'a proposé une clé pour me rattraper, lors de sa seconde sortie sur les plateformes de nouvelle génération, PlayStation 5 et Xbox Series X|S , mi novembre. Même si j'ai pour ma part plongé dans l'aventure sur PC.

Si vous ne connaissez pas le passé de Kate Walker, pour bien comprendre son univers et ses aspirations, il est préférable de regarder une courte vidéo, d'ailleurs directement accessible depuis le menu, qui résume les grandes lignes de l'épopée de la jeune et brillante avocate. Tout débute quand elle est envoyée dans le petite village de Valadilène pour y régler la succession des usines Voralberg et qu'elle découvre que le seul héritier est un certain Hans, perdu quelque part en Sibérie. Contre l'avis de tous, patron et amis, elle monte dans un train qui part vers le nord et se lance à corps perdu à sa recherche. Le train l'emmène sur les traces des géniales inventions d'Hans, des automates doués de raison et des mécanismes qui donnent vie à tout un tas d'installations. Ce qui m'avait particulièrement marquée à l'époque, c'était la façon de retranscrire la grandeur passée, déjà à partir des usines Voralberg qui autrefois livraient des automates à travers toute l'Europe et employaient des milliers d'ouvriers, et qui par la suite étaient tombées en ruines, l'informatique ayant rendu la mécanique obsolète. Mais également à travers les villes que Kate traversait, marquées par la chute du communisme et de l'empire soviétique, jusqu'à cette station balnéaire quasi abandonnée où autrefois tous les grands venaient en villégiature, mais aujourd'hui  réduite à un vieil hôtel délabré battu par les vents marins.

The World Before débute par un changement de point de vue inédit. Nous sommes au printemps 1937, sous les traits de Dana Roze, une jeune pianiste de Vaghen. Meilleure élève de la célèbre académie de musique de la ville, elle a l'immense honneur d'être invitée à jouer du piano mécanique sur la grande place. Un instrument de musique qui est une création Voralberg, bien entendu ! Sa prestation est l'occasion d'une magnifique introduction sur fond de musique classique, avec un orchestre d'automates et des cygnes, l'animal symbole de la ville, qui s'élèvent du beffroi au-dessus des spectateurs. Une scène qui n'a rien à envier à la mythique procession mortuaire de Syberia 1.

Hiver 2004. Nous revenons à Kate, qui se trouve en bien mauvaise posture, obligée de casser des cailloux dans une mine de sel. La seule lumière dans sa vie est Katyusha, sa compagne de cellule, dont elle est devenue très proche. Juste avant que leur dure et laborieuse journée de travail ne débute, une lettre, qui a mis des mois à lui parvenir, apprend à Kate que sa mère est décédée. Bien sûr, elle a raté l'enterrement... Cette journée continue avec son lot de surprises quand un éboulement libère un passage vers un tunnel parallèle où est abandonné un vieux train. Les deux jeunes femmes fouillent les wagons et découvrent qu'il est rempli de possessions volées aux Vagerans par l'Ombre Brune durant la Seconde Guerre Mondiale. Ou, pour traduire dans des termes qui vous parleront davantage "volées aux Juifs par les Nazis". Parmi les tableaux, Katyusha trouve un modeste dessin, représentant une jeune femme qui ressemble beaucoup à Kate. Dana, bien sûr, mais les personnages eux l'ignorent ! Les choses tournent mal, une gardienne intervient, Katyusha est mortellement blessée, et Kate ne réussit à s'enfuir qu'in extremis grâce à une vieille moto. Dans sa fuite, Kate se promet de retrouver la jeune femme du portrait, comme Katyusha en avait émis l'idée. Sa seule piste pour débuter sa quête : une étiquette à l'intérieur du tube qui indique le nom d'un antiquaire de Vaghen.

Je ne vais pas vous en révéler plus sur la suite de l'aventure, qui nous amène à recomposer la vie de Dana, entre amour et trahison, sur fond de Seconde Guerre Mondiale. C'est également l'occasion de beaucoup de moments d'introspection pour Kate. Sur ce qu'elle fait, et ce qu'elle devrait faire. Est-ce que cette quête n'est qu'une nouvelle lubie, une occasion de fuir la réalité ? Doit-elle rentrer à New York et reprendre le fil de sa vie d'avocate, même si la justice la recherche toujours en raison de son implication dans la succession Voralberg ? Ou doit-elle définitivement abandonner la "normalité" pour accepter ce monde fait d'automates qui semble la poursuivre ?

Les thèmes sont assez lourds. La mort. Le poids des remords. L'amour perdu. La résistance face au fascisme. Il y a également des moments plus légers, des instants de vie, pour Dana ou pour Kate. Et même un peu d'humour grâce à l'inimitable Oscar, qui revient sous une forme très inattendue !

D'une scène à l'autre, le scénario mêle habilement les époques, grâce à des lettres, des fragments de films, ou même le récit de certains survivants qui emmènent revivre des moments clés de la vie de l'un ou l'autre des protagonistes. Au-delà de Kate, qui possède le plus de temps d'écran, d'autres personnages sont ainsi jouables. Dana, bien sûr. Je ne vais pas nommer les autres, ce serait trop en révéler ! De nombreuses énigmes sont basées sur les désormais célèbres mécanismes de Hans, dont on retrouve le logo si emblématique un peu partout : la chaudière d'un chalet de montagne perdu au milieu de nulle part, le système de chaise roulante d'une vieille dame, ou une étrange sphère dans la boutique d'un antiquaire. Jusqu'au vieux tramway qui cahote de Vaghen. Kate elle-même a cessé de s'étonner de sans cesse retrouver les automates du vieil inventeur sur sa route.

Pour progresser, il faut pousser, tirer et faire correspondre tout un tas de tuyaux et de fils. Rien d'alambiqué cependant. Il est bien loin le temps des vieux point & click où l'inventaire se retrouvait envahi de dizaines d'objets à combiner de manière fantaisiste. Au maximum, j'ai dû avoir dix objets dans mes sacs. Cinq en moyenne. La plupart du temps, toute la solution tient à la découverte d'un élément, rarement bien éloigné, et toujours clairement lié au mécanisme en question. Au besoin, une aide intégrée donne des indices, mais je n'ai eu que bien peu souvent besoin d'y avoir recours car tout est logique. Encore moins à devoir suivre une solution en ligne.

La musique est magnifique. Je ne joue pas souvent avec le son, mais ce serait ici honteux de ne pas profiter de la bande originale. Elle a été enregistrée dans la capitale hongroise avec le Budapest Film Symphony Orchestra, sous la baguette du compositeur Inon Zur, qui a participé à tous les jeux Syberia depuis le 2. Les parties au piano sont assurées par la talentueuse pianiste Emily Bear, à peine plus âgée que la jeune Dana. Cette musique orchestrale magnifie les paysages de la campagne autrichienne et de la ville à l'architecture victorienne.

Il faut savoir être objective. Le jeu souffre parfois un peu de son gameplay. Impossible de passer les dialogues. Ce n'est pas comme si je voulais souvent le faire, tellement je me suis trouvée happée par l'histoire, mais je m'en suis rendu compte quand j'ai relancé la même ligne de dialogue en recliquant par erreur au même endroit. La caméra ne permet pas toujours d'admirer les décors avec toute la liberté espérée. Il en devient parfois un peu difficile de sortir d'une pièce ou de se rendre exactement où l'on désire, car l'angle de vue est légèrement bancal. Même si Kate (et les autres) savent courir, ils sont lents. Surtout qu'encore une fois, l'angle de caméra ne permet pas toujours de double-cliquer au bon endroit.

Ensuite, Syberia: The World Before se déguste, avec certes quelques lenteurs, mais le jeu est fait pour être savouré. Un moment de poésie, qui emmène pour une douzaine d'heures dans un monde enchanteur, à la fois beau et triste, avec des personnages attachants, créés par le génial et regretté Benoît Sokal. Une œuvre qu'il aura poursuivi jusqu'à la fin, même s'il sera malheureusement parti trop tôt pour découvrir ce qui est sans hésiter le meilleur Syberia de la série sorti à ce jour. Rien n'a été laissé au hasard, jusqu'à la conclusion, un joli clin d'œil à la saga, qui laisse espérer un nouvel opus.



Découvrez nos derniers aperçus :




Jeux du moment

>> Liste complète <<