Pentiment – L’art du repentir (ou le repentir de l’art ?)
Lors de la gamescom, clamoune avait eu l'opportunité de découvrir Pentiment, un jeu narratif inspiré des manuscrits médiévaux, qui m'intriguait au plus haut point (vous pouvez retrouver son article ici). Alors quand Microsoft/Xbox m'a proposé un code, j'ai accepté sans hésiter !
La scène d'introduction met immédiatement dans l'ambiance très spéciale du titre, avec des décors inspirés des enluminures médiévales qui semblent comme sorties d'un livre. Andreas, le personnage joué, fait un rêve étrange qui l'emmène discuter avec frère Jean et un étrange fou qui n'a pas la langue dans sa poche. Cette première rencontre est l'occasion de présenter le travail d'artiste qu'Andreas accomplit pour l'abbaye de Kiersau. Bien qu'invité parmi les moines, il est en conflit avec l'abbé. C'est également le moment de faire un premier choix, quand est demandé de sélectionner la raison du différend qui oppose notre héros à l'homme d'église. J'ai pour ma part décidé qu'Andreas avait du mal à tenir ses délais.
Avril 1518. Tassing en Bavière (Saint-Empire romain germanique). Andreas se réveille. Quelques discussions avec les habitants de la petite ville bavaroise permettent de définir son passé. Sa région d'origine (Bâle, Flandre ou Italie). Ce qu'il aime faire (Hédoniste, Artisan, Rat de bibliothèque, Vaurien ou Homme d'affaires). Son domaine d'étude (Théologie, Droit impérial ou Médecine). Ses deux matières préférées (Latiniste, Logicien, Orateur, Occultiste ou Ciel et Terre). Ces connaissances vont débloquer des possibilités de dialogue uniques pour la suite de l'aventure : une belle opportunité de rejouabilité. Mon Andreas a vécu à Bâle. Véritable rat de bibliothèque, il aime passe son temps libre à trouver autant de livres que possible. À l'université d'Erfurt, il a étudié la théologie, ce qui lui donne un aperçu de la théologie catholique, des connaissances bibliques, du droit canonique, des hérésies et autres sujets similaires. Ses dons d'orateur lui permettent d'enseigner et de persuader. Il aime parler en public. Son intérêt pour les sciences de la vie l'a amené à exceller en astronomie. Il a beaucoup appris sur les constellations, les corps célestes et leurs mouvements. Il est également fasciné par les nouveaux livres écrits sur les plantes et les animaux, et aime passe du temps dans la nature à faire ses propres recherches.
L'histoire se déroule en suivant le rythme des jours qui passent. Le matin, souvent dédié au travail. Le midi, temps du repas. Puis l'après-midi, où Andreas retourne travailler. Avant de souper. La nuit venant, c'est l'heure de se coucher. Des mini-jeux viennent égayer l'histoire. Pour casser le rythme du jeu narratif et renforcer l'immersion tout en donnant un meilleur aperçu de la vie quotidienne des personnages.
La première journée est assez guidée, avec peu de choix d'activité. Andreas veut avancer au maximum sur son œuvre et il a déjà des engagements pour ses repas. Très vite, un invité surprise vient perturber le train-train monastique. Le baron Rothvogel, riche et respecté mécène de l'abbaye, vient vérifier l'état d'avancement d'une de ses commandes, un manuscrit que le frère Piero, un vieil homme devenu lent avec l'âge, se charge de recopier. Comme si ce retard ne suffisait pas, le baron trouve son style suranné et il se plaint. Au contraire, il n'a que des louanges pour notre personnage. Surtout si, comme moi, vous n'hésitez pas à discuter avec ce noble qui se révèle avoir des idées que beaucoup considéraient à l'époque comme subversives. Malheureusement, les débats entre Andreas et Rothvogel tournent court quand le baron est retrouvé mort aux pieds du frère Piero. Le moine est vite accusé du crime, mais Andreas est persuadé de l'innocence du copiste, et il compte bien le prouver !
Régulièrement, des choix sont à faire. Pas de stress. Aucun minuteur n'oblige à se dépêcher de cliquer. Mais il n'est pas possible d'y couper. Ne rien faire ou se taire pourra être considéré comme une prise de décision dans certaines situations. Quand un choix compte pour la suite de l'histoire, le jeu le note d'un "ce ne sera pas oublié". Tout comme quand une conséquence s'ensuit, avec un tableau qui indique clairement les bonus et les malus. Un excellent point pour la rejouabilité. Il suffit de faire une capture d'écran pour savoir comment influer sur des événements précis.
Le jeu brille par une conception d'une précision millimétrique. Chaque plan. Chaque musique. Chaque bruitage. Chaque décor. Tout a été pensé pour faire écho aux grands artistes de l'époque. Un monde vivant, où l'art s'inspire des grands manuscrits enluminés et des premiers livres imprimés. Le goût du travail bien fait se ressent à chaque instant. Jusque dans l'interface, qui reste dans le ton, à travers le journal et les différentes cartes. Un projet passion du studio Obsidian, porté par une petite équipe de treize développeurs menés par un directeur éclairé, Josh Sawyer. Emmenant dans une époque historiquement fidèle, avec des personnages qui eux sortent de l'imagination des écrivains.
Par contre, ce jeu n'est pas à mettre dans toutes les mains. Pour l'apprécier, il faut aimer les lettres. Les beaux mots. Les tournures de phrase peu communes. Au-delà du style, les dialogues emmènent sur des sujets qui risquent de laisser de marbre beaucoup de joueurs, peu versés dans les arts littéraires. Les sujets abordés sont variés. Théologie, bien sûr. Psychologie. Occultisme. Mais également la place de l'art, ou encore le droit des femmes ou du travail et même le système de classes. Beaucoup d'auteurs éminents de cette période et leurs ouvrages sont cités. Bien sûr, tout a été fait pour simplifier l'accès, avec notamment l'ajout de liens interactifs sur certains termes et noms propres, qui permettent d'ouvrir une fiche encyclopédique dans le glossaire. Il n'en reste pas moins qu'il faut lire. Si vous n'aimez pas ça, passez votre chemin. Aucun acteur ne vous déclamera les dialogues. Le ton et les intonations sont donnés grâce à la police d'écriture utilisée. Je cite ici le kit de presse, qui résume mieux que moi ce travail réalisé sur la façon dont les répliques apparaissent dans le jeu :
- Le style de la police change en fonction de la perception qu'Andreas a du statut social et de l'éducation du personnage.
- Les mots sacrés sont écrits en dernier, en rouge, comme le voulait la tradition en raison du changement de couleur de l'encre.
- La police de caractères est dotée de masques de traits qui permettent de dessiner chaque lettre comme si elle était écrite à la main et que le personnage vous écrivait.
- Pour imiter la sensation de l'encre physique, chaque trait est d'abord foncé et brillant, puis s'infiltre dans le parchemin et sèche pour devenir moins opaque.
- Comme les polices reflètent l'écriture manuscrite, les personnages peuvent faire des erreurs et les fautes de frappe sont réécrites en temps réel.
- L'impression devient plus dominante au début de la période moderne et se reflète dans la police de caractères de la presse d'imprimerie, où certains caractères se gravent d'un seul coup.
Comme je vous le disais : la précision réside dans chaque détail. Si vous n'aimez pas ces polices parfois un peu alambiquées, l'option "Easy Read" permet de désactiver certaines polices et autres effets d'écriture. Personnellement, je trouve ça dommage. Mais je salue l'initiative. D'autres options améliorent la lisibilité : taille de la police, contraste élevé, synthèse vocale.
Avec une foultitude de choix à faire, dont les conséquences se répercutent sur plusieurs générations, l'histoire s'écrit sur vingt-cinq ans, autant dire que Pentiment n'a pas cessé de surprendre ses joueurs. Moi j'adore. Mais je suis bien consciente que beaucoup resteront hermétiques à cet univers très verbeux. Si les mots ne vous font pas peur, foncez ! Vous découvrirez une enquête historique riche en rebondissements ! Le jeu sort demain sur le Game Pass (Xbox et PC), les consoles Xbox (Xbox Series X|S et Xbox One), Windows PC, Steam et Xbox Cloud Gaming (Beta).