Twin Mirror – Thriller à fleur de peau
J'ai déjà eu l'occasion de faire deux articles sur le nouveau jeu narratif de DONTNOD, Twin Mirror, grâce à une vidéo préenregistrée de dix minutes (article ici), puis avec une version d'aperçu d'environ deux heures (article là). Cette fois, je reviens après avoir eu l'opportunité de terminer le jeu, ayant reçu une clé de la part du studio une dizaine de jours avant le lancement officiel. Avoir le privilège de découvrir un jeu en avant-première est toujours excitant, surtout de se dire que cette histoire sort au grand jour après avoir été conservée dans le secret du cercle très fermé des développeurs et des testeurs. J'avoue également que, même si je n'attendais pas du tout ce jeu, mes premiers pas dans l'univers m'avaient vraiment donné envie d'en découvrir plus. Et, cerise sur le gâteau, ma sauvegarde de la preview était toujours là, j'ai donc pu reprendre exactement où j'en étais !
Le jeu nous place dans les baskets de Sam Higgs, un journaliste qui a exposé les affaires douteuses de la mine de Basswood dans le journal local, le Jungle, ce qui amené la principale source d'emplois de cette petite ville des États-Unis à fermer. Bouc émissaire du malheur des mineurs, Sam a subi à la même période une déconvenue amoureuse quand sa petite amie, Anna, a refusé de l'épouser, et qu'ils ont rompu, la jeune femme étant lasse de passer systématiquement après son travail d'investigation. Il a alors fui la ville sans donner de nouvelles à ses amis. L'histoire nous place deux ans plus tard quand Sam se sent forcé de revenir car son meilleur ami, Nick, vient de décéder dans un accident de voiture. Quand la fille de Nick, Joan, qu'il surnomme affectueusement Bestiole (Bug) en raison de sa passion pour les insectes, lui fait part de ses soupçons sur cette mort qui ne serait pas accidentelle, Sam ne peut résister à ses anciens démons, et il débute son enquête.
Sam n'est pas un gars comme les autres. Déjà, il se laisse aisément déborder par ses émotions et se perd dans son esprit. Cela a toujours été le cas, mais les aléas de sa vie d'adulte l'ont rendu dépressif et encore plus facilement submergé. Dans ce monde rempli de cauchemars, le jeu devient plus stressant et psychédélique, avec des décors tronqués et de petites énigmes pour réussir à s'en extraire (surtout basées sur l'observation). Sam peut toujours compter sur son double, son ami imaginaire, qu'il est le seul à voir et qui le guide. Ce double apparaît également lors de choix cruciaux, arrêtant le temps pour leur permettre de discuter du pour et du contre de chaque situation. Ces choix sont si importants qu'une double validation est en place pour s'assurer que le joueur ne se trompe pas. Le premier, j'en avais déjà parlé dans un précédent article, arrive très tôt dans le jeu quand, dans sa voiture, sur le parking du bar où se tient la veillée funèbre de Nick, Sam doit choisir s'il promet à Joan d'enquêter sur la mort de son père ou non.
Le double a une importance cruciale tout le long du scénario, mais il est loin d'avoir toujours raison. Il faut faire attention à ne pas se laisser influencer. J'ai à plusieurs reprises opté pour des choix différents de ce qu'il conseillait et le résultat n'a pas été catastrophique, loin de là. Il a même avoué à un moment que j'avais eu raison de ne pas le suivre ! D'ailleurs, à la longue, il devient un peu chiant, trop "parfait", à ramener sa science à chaque interaction que Sam a avec autrui. Certes, Sam ne s'intéresse pas aux gens, pour lui seuls comptent les faits, mais le journaliste essaie de changer et je ne le comprends que trop bien dans cette scène où il envoie bouler son double d'un "ta gueule" bien senti.
Il y a également de nombreux choix à faire dans les discussions, ce qui modifie le déroulement de l'histoire, mais de manière moins visible. J'ai cependant pu tester lors de la dernière scène, je ne vais pas vous révéler les tenants et les aboutissants car ce serait vous gâcher la surprise, mais seul un enchaînement de bonnes réponses amène à la fin heureuse, tandis que toutes les autres sont tragiques !
Grâce à son palais mental, Sam utilise ses capacités d'analyse supérieures qui lui permettent d'utiliser les indices récoltés, pour les recomposer et reformer le puzzle des événements passés ou futurs. Cela peut paraître trivial, avec généralement trois étapes pour deux à trois possibilités, mais c'est loin d'être si évident que cela paraît car chaque choix influe sur la suite, et modifie les circonstances. J'ai notamment eu du mal à un passage où Sam doit planifier une diversion. Trouver l'exacte combinaison d'actions et de cachettes m'a demandé beaucoup d'essais. Le palais mental est aussi l'occasion pour le journaliste de revivre des souvenirs, souvent réveillés par des objets, qui lui font revivre des moments passés en compagnie de Nick ou d'Anna en des temps plus heureux.
Du côté de la réalisation, je confirme mon impression de l'aperçu : Twin Mirror est un magnifique thriller psychologique, avec une réalisation très proche de celle d'un film, ne serait-ce que par le jeu d'acteur de ses protagonistes, supporté par la Motion Capture. Les angles de vue sont toujours réfléchis, soutenus par une musique de qualité, pour offrir aux personnages l'occasion de partager le meilleur de leurs sentiments. J'ai vibré pour Anna et Sam, et j'avais autant qu'eux envie de découvrir les véritables raisons de la mort de Nick. Certes, le joueur se retrouve parfois relégué à un rôle de spectateur. Je voudrais pouvoir explorer tout Basswood et discuter avec qui je veux, quand je veux, sans que le jeu ne me ramène dans la zone de jeu parfois trop limitée. Je voudrais pouvoir influer sans limite, et m'extraire du scénario qui parfois ne me propose pas le choix que j'imaginerais. Mais l'équilibre entre phases de cauchemars, discussions, enquêtes, et reconstitutions dans le palais mental apporte un rythme bien meilleur que dans beaucoup de jeux narratifs. Nous ne sommes pas encore au niveau de Detroit Become Human, qui conserve à mes yeux la première place des jeux narratifs, et qui avait par exemple réussi à insérer des touches d'humour, qui sont ici inexistantes. Mais Twin Mirror délivre de très belle façon son histoire émotionnellement très lourde, autour du thème de la mort et de la dépression. Malgré l'ambiance pesante, je ne me suis jamais ennuyée... à tel point que quand le générique de fin s'est lancé, je n'ai eu qu'un mot à la bouche : "déjà ?!".
Car oui, le jeu est court, très court, trop court. Il m'a fallu environ cinq heures pour terminer l'aventure, ce qui avec les deux heures précédentes, amène l'ensemble à un tout petit sept heures de jeu. Rajoutez à ça quinze minutes pour tester les dialogues finaux et débloquer une meilleure fin. Bien sûr, le jeu mérite au minimum une seconde partie pour explorer d'autres choix, et des collections d'objets sont cachés dans les scènes pour contenter les collectionneurs... mais c'est vraiment peu. Il ne me reste plus qu'à espérer que Sam Higgs aura droit à d'autres aventures, car j'ai l'impression de n'avoir fait qu'effleurer son potentiel.
Le jeu est disponible dès aujourd'hui :