Through the Darkest of Times – La résistance face à l’horreur du nazisme
La seconde Guerre Mondiale est un sujet très souvent abordé dans le monde vidéoludique, où l’on va revisiter les plus grandes batailles, avec un message subtil et américanisé à outrance : il faut buter les nazis, ils sont méchants. Loin de moi l’idée de remettre en cause cela, c’est peut-être même ce qui choque le plus, il n’y a pas de subtilité dans le nazisme.
Les Allemands de Paintbucket Games vont se concentrer sur la fin de l’entre-deux guerres, sur la montée du mouvement nazi, à partir de 1933, lorsque Adolf Hitler est nommé chancelier. On incarnera le chef d’un groupe de résistants qui va tenter, à sa petite échelle, de mettre à mal la montée du mouvement à Berlin, et tentera d'aider les nombreuses personnes considérées comme indésirables par le Reich.
Avant de s'attaquer au cœur du titre, il convient d’indiquer qu’il ne s’agit pas d’un titre léger. Le titre de l’œuvre est relativement équivoque, et la période traitée a tendance à mettre la puce à l’oreille, mais vous serez souvent atterré par ce que vous verrez/lirez, et je confesse avoir eu les yeux embués de larmes lors de certains passages, tant certains actes semblent inhumains, voire irréels. La période choisie étant relativement peu abordée dans les média, elle permettra en outre d’en apprendre plus sur le mouvement de résistance, sur la montée du nazisme, les tensions montantes et sur le conflit, le tout vécu de l'Allemagne. On s'attarde ici essentiellement sur le côté humain et l'on vivra l'évolution du Reich au travers de notre groupe de résistants plus ou moins conséquent en fonction des événements.
Le jeu en lui-même prend la forme d'un jeu de stratégie. Chaque nouvelle semaine débute par les Unes de plusieurs journaux titrant les récents événements du Reich qui impacteront le moral de nos résistants. Ces derniers nous feront parfois part de leurs humeurs et des dernières nouvelles, plus ou moins réjouissantes. Ainsi, on aura le droit à de "bonnes nouvelles", par exemple un résistant qui a retrouvé sa femme après une disparition de plusieurs jours, et à d'autres, souvent moins heureuses, faisant part de déportation de plusieurs personnes, ou encore de la capture/mort d'un membre de notre groupe. Chaque mauvaise nouvelle est un petit drame en soi, mais j'avoue avoir eu un petit pincement au cœur quand j'ai appris la mort d'un de mes comparses après de nombreux tours à jouer avec ce dernier.
Through the Darkest of Times utilise en effet un système de tours, dans lequel nous devrons placer chaque membre de notre troupe à des endroits stratégiques, pour effectuer de multiples tâches revêtant différents niveaux de criticités, des "simples" tâches de récoltes de fond / achat de matériel pour faire des tracts / diffusion d'informations sensibles sur les nazis / discours pour rallier de nouvelles personnes à notre cause aux dangereuses missions d'espionnage, de libération de résistants, ou de vol d'uniforme SA pour débloquer certaines missions. On dispose d'un panel varié d'objectifs avec, à chaque fois, différentes informations sur l'intérêt et la dangerosité de chaque mission.
Chaque résistant dispose de certaines capacités et traits de personnalités qui influeront sur les chances de succès (ou d'échec) des différentes tâches. Envoyer Marion, éducatrice universitaire conservatrice et chrétienne, quémander des fonds dans une usine de textile sera ainsi plus à risque qu'un comparse ouvrier communiste qui connaît les ouvriers et leur mode de vie. De même, envoyer un résistant un brin sanguin en mission d'espionnage ne sera pas l'idée du siècle si vous souhaitez réussir. S'il ne vous reste que ce dernier, il sera préférable de lui fournir un vélo pour augmenter ses chances de fuite s'il est repéré par les SS. Au fur et à mesure de notre progression, nos membres progresseront (et développeront leur capacités, comme l'éloquence ou la discrétion...), les actions possibles se multiplieront, tout comme les risques que prendront nos protagonistes. Si nous effectuons trop d'opérations dans une seule zone, le niveau de danger de la zone augmentera, les patrouilles policières étant plus nombreuses. Il arrivera même que nous devrons mettre à l'abri certains de nos personnages pour que les forces allemandes arrêtent de les rechercher.
Il faudra également veiller à ce que le moral du groupe n'atteigne jamais 0, sous peine de voir apparaître le redouté "Game Over". Pas dramatique en mode scénario, vu que chaque tour est sauvegardé, mais le second mode de difficulté se révèlera lui sans pitié, avec un effacement pur et simple de la partie, et une difficulté accrue sur l'obtention des différentes ressources que sont l'argent et les objets d'aide (vélo/tracts/dossier sensible...).
Rassurez-vous, vous ne devrez pas répéter ce schéma de 1933 à 1945, le jeu effectuera à certains moments de l'histoire des ellipses plus ou moins grandes. Ainsi, 3 ans sépareront le chapitre 1 du chapitre 2, les enjeux évolueront et nous constaterons, assez impuissants il faut l'avouer, la transformation du Reich. La seule chose maintenant les résistants entre eux étant, finalement, l'espoir. L'espoir que leurs efforts ne soient pas vains, l'espoir que certaines personnes aient un bon fond, et se battent pour rétablir la paix, ce que le studio tentera de mettre en avant à certains moments de l'histoire, via de petites saynètes toujours très bien écrites et qui montreront parfois de beaux moments, et d'autres fois d'horribles actes.
Ce qui manque, finalement, à ce TTDOT, c'est un peu de variété. On restera cantonné à Berlin durant toute l'aventure. C'eût été une bonne idée d'incarner un groupe de résistants dans une autre capitale et de connaître le point de vue depuis un pays autre que l'Allemagne. La boucle de gameplay pourra aussi en lasser certains, surtout lorsque l'on passe d'un chapitre à l'autre... la sensation de recommencer de zéro est prégnante, et certaines missions sont inutilement complexes, comme celle où l'on va demander plusieurs uniformes de SA pour accomplir un objectif spécifique.
Difficile toutefois de ne pas recommander le premier titre de ce studio allemand qui raconte, avec assez de justesse, la montée en puissance du parti nazi et la vie des Berlinois durant plus de 10 ans. Le fait de pouvoir se concentrer sur l'histoire via le mode de base évitera également de s'arracher les cheveux en pestant contre une boucle de gameplay qui se révèle un peu trop répétitive après quelques heures...