SWTOR – Bantam, l’âge d’or de l’UE
Avec l'annonce de la remise à plat de la continuité des œuvres licenciées Star Wars, nous entrons dans une nouvelle ère pour l'Univers Etendu. La galaxie va avoir un nouveau visage. Elle en a déjà eu plusieurs. Selon les périodes où l'on regarde, les attentes des fans et les histoires proposées ne jouent pas toujours sur les mêmes cordes. Le gros élément qui sépare tout ceci ? Les trois films que l'on appelle la Prélogie. Un exemple ? Et bien les changements continuels apportés sur les versions ultérieures de l'hexalogie censé lisser la continuité mais qui entraîne aussi dans une direction opposée au résultat de 1977 à 1983. Les romans, bds et autres jeux vidéos apparus avant 1999 sont les enfants de ce résultat. Mais leur influence sur le lore des épisodes I à III va aller déclinant. Et alors que dans les années 90 vivaient deux très grandes saga de science-fiction dont une vivait uniquement grâce à ces produits dérivés, aujourd'hui elle n'est plus qu'une licence comme une autre sans relief particulier.
Les premières œuvres dérivées de Star Wars datent de 1978, comme le tristement célèbre Holiday Spécial rapidement renié par Lucas. Mais de nombreux éléments y ont été repris. Boba Fett d'abord dans l'Empire contre-attaque. La famille de Chewbacca sera conservée telle quelle par les auteurs qui suivront. Kashyyyk enfin restera jusqu'à l'Episode III. En roman il y aura le Cristal de Kaiburr (image au dessus) d'Alan Dean Foster, travail de commande au cas où il faudrait rentabiliser un premier film qui ne marcherait pas. La licence pour les bds fut confiée à Marvel, qui ne prendra aucun risque et se contentera de petites histoires marginales dont la date dans la chronologie serait bien difficile à situer. Il faut dire qu'ils s'étaient fait sécher d'entrée avec un second film qui partait dans la direction opposée de ce qu'ils imaginaient. Leur principal apport fut l'ajout de nouvelles races (hein Kiràly) et un personnage qui ne sera réutilisé que trente ans plus tard dans une version altérée. Le soin apporté étant bien loin de celui des cadors de la boite, les ventes diminuent et la licence finit chez la branche anglaise pour que de jeunes auteurs européens se fassent la main dessus. A retenir pour se dire que la vision de Star Wars d'Alan Moore (Batman the killing joke, Watchmen, V pour vendetta, La ligue des gentlemen extraordinaires...) est très loin de ce qu'en a fait Georges Lucas. Et pas forcément en mal.
La licence romans finit par tomber dans l'escarcelle de Bantam Spectra, à qui Lucas demande d'écrire une suite considérée comme plus ou moins officielle selon les fans. Ce sera la trilogie de la Croisade noire du Jedi fou de Timothy Zahn, publication du premier tome en 1991 et qui sera la pierre de base de tout l'UE pour les 23 ans qui suivirent. Et même des films, puisque c'est ici que Coruscant est nommé pour la première fois (mentionné comme "le Centre Impérial" dans le premier film, complètement oublié ensuite dans la Trilogie). Dans le même temps, Dark Horse comics devient le responsable des sorties bds. Après un faux départ, le cycle de l'Empire des Ténèbres comportant trop de similitudes et de différences avec les romans, les deux éditeurs se mettent d'accord pour travailler en coopération. L'UE tel qu'on le connait est né d'une auto-gestion dans laquelle Georges Lucas ne pointait pas le bout de son nez. A partir de la Croisade Noire, tout un univers cohérent s'est développé sur plusieurs années. Il y a bien eu quelques incohérences, dues à l'absence d'autorité centrale pour vérifier la continuité. Mais de manière générale, tout fonctionne. Dark Horse visitera le passé de la galaxie dans La légende des Jedi et l'intrigante garde rouge de Palpatine dans l'Empire écarlate. Kevin J. Anderson, de l'écurie Dark Horse, passera chez Bantam pour écrire le second cycle majeur des romans : la trilogie de l'Académie Jedi. Certaines histoires sont très bonnes, d'autres beaucoup moins. Alors que l'univers se cherche, certaines tentatives dans une direction ou une autre se révèlent ratés. Pourtant, la quasi-totalité des œuvres de cette période seront réutilisés ou agités en référence par les successeurs de Bantam. Un exemple très clair de comment tout ceci marchait est la création du personnage du baron Soontir Fel. Mickael Stackpole, auteur du cycle des romans X-wing s'est vu approcher par Dark Horse pour en écrire un autre chez eux. Ce sera un prélude à ce qu'il a déjà écrit. Pour les besoin du scénario, il crée un pilote impérial particulier et en parle à son ami Timothy Zahn. Une discussion plus tard, les deux peuvent s'en partager la paternité. Ann Crispin, venue chercher des conseils pour une bataille spatiale, se greffa à l'histoire et l'inclut dans un de ses propres romans. Tout en communication et en partages amicaux.
Côté jeux vidéos, on se contente de reprendre des adaptations de la Trilogie et des simulations de combat spatial sans scénario jusqu'en 1995. Cette année-là, Lucasarts sort Dark Forces, premier jeu de la série des Jedi Knight qui s'étendra jusqu'en 2003 et qui s'intègre parfaitement dans l'ue des romans et des bds. Plus encore, l'année suivante Georges Lucas s'implique (au niveau marketing, pas créatif) pour la sortie du jeu Les ombres de l'Empire dont il veut une sortie coordonnées sur plusieurs supports. Bantam et Dark Horse sont mis à contribution. En 1998, Rogue Squadron se révèle différent de ses prédécesseurs en combat spatial par son scénario très poussé où les planètes visitées le sont avec les descriptions de l'UE. Le tout est toujours autogéré, et se développe de plus en plus. Un peu à l'écart de tout ceci se trouvaient les jeux de rôles. Ils existaient déjà depuis les années 80 et étaient totalement indépendants. Ils n'ont pas participé à l'accord entre les deux éditeurs. Mais dans leur souci de cohérence ces derniers ont quand même puisé dans ce qu'ils avaient fait. Et les jdr ont surfé sur la vague de ces romans et bds pour enrichir son catalogue. Echange de bon procédés par rapport à ce qui était à l'époque la seule ligne directrice Star Wars.
Et que fait Georges Lucas pendant ce temps ? Il s'occupe d'autres projets et ne se penche plus sur la saga qui a fait sa gloire ? Que nenni ! Il a souvent clamé avoir voulu créer une histoire pour les enfants. Plutôt que d'assumer être passé à côté, il a récidivé plusieurs fois dans les deux décennies qui ont suivi. En produisant et demandant des téléfilms et dessins animés sur les droïds et les ewoks. Surtout les ewoks. Je n'en parlerai pas plus, ce sont de grosses daubes. En fait, dans ces années-là, toute la gamme créative pour enfant est un gros point noir. Un boulet que l'on ne peut pas enlever car imposé, enfoncé par le grand patron en personne. La saga du prince Ken à partir de 1994 devait servir d'étalon, d'éclaireur pour des romans dans cette direction. Certainement le pire jamais écrit. Si vous ne l'avez pas encore lu, contentez-vous de me croire sur parole et n'allez pas faire saigner vos yeux. Histoire absurde, mal écrite, en contradiction avec ce qui était écrit dans la gamme adulte... Je crois que le seul truc qui a été sauvé dedans est le père fou de Jabba, cité pour approfondir le background de son fils dans un autre roman adulte. Il s'appelait Zorba le Hutt. Jugez le reste maintenant. La seule œuvre jeunesse qui mérite vraiment d'être citée est le cycle des Jeunes chevaliers Jedi, co-écrit par Kevin J. Anderson. Ce qui fait de lui l'auteur le plus prolifique de la période. C'est aussi la seule création pour enfants qui influera par la suite sur l'UE.
Quand les premières œuvres de l'Univers Etendu cohérent sont sorties, il faut comprendre que la vision que la plupart des gens ont de la science-fiction était bien différent. C'était une des catégories de l'imaginaire réservées aux geeks. Et seules les sorties simultanées de la Prélogie et des films du Seigneur des Anneaux a permis à cette communauté de gagner en visibilité et en respect. Beaucoup de jeunes aujourd'hui se déclarent geeks alors qu'ils ne remplissent pas les critères qui définissaient les anciens. Je ne parlerai même pas de la fameuse geek des chaussures. Fin des années 80/début des années 90, être geek c'était un casier de lycée américain qui gémissait "monsieur Lewis, monsieur Randal, vous êtes encore là ?". On se moquait beaucoup de ces adultes qui se déguisaient pour aller à des conventions. En science-fiction, par le média télé/cinéma, il y avait deux œuvres originales majeures : Star Wars et Star Trek. Le reste était soit des adaptations, soit pas aussi développé (Battlestar Galactica était accusé de piocher chez les deux autres) ou encore pas encore sorti (Babylon 5 débutera en 1993). Star Trek pouvait se vanter de tenir sur une série de films à succès et une série en cours (la Nouvelle génération 1987-1994) qui encourageait à en faire d'autres (Deep Space 9 1993-1999, Voyageur 1995-2001). Ils avaient le haut du pavé. Et sans grosse visibilité, Star Wars glissait dans la catégorie des vieilleries. La création d'un Univers Etendu n'est pas quelque chose d'extraordinaire en soi. Mais sa cohérence globale sur plusieurs médias lui a permis de reprendre du poil de la bête. De se repositionner plus solidement en deuxième position, voire de venir titiller le leader du marché. De consolider un public adulte et adolescent qui seront les premiers à aller voir l'édition spéciale de la Trilogie au cinéma. Et c'est le succès de ce retour au cinéma qui a persuadé Georges Lucas qu'il y avait encore à faire avec sa saga et le poussa à commencer la pré-production de l'Episode I.
Ce succès de l'Univers Etendu qui se répercute au cinéma, c'est sa gloire mais aussi le moment où le poing tombe sur la table. Georges Lucas décide de reprendre les rênes en vue de l'Episode I. Un organisme est créé pour veiller au bon déroulement d'un canon. Fini la coopération amicale, désormais un cadre strict va supprimer un certain nombre de libertés créatrices. En bien ou en mal, il faut le reconnaitre suivant les titres. Et comme les films deviennent le premier support, cela va changer énormément de choses. Par exemple, on vise le grand public et non plus juste la communauté geek qui avait permis ce succès. L'orientation générale aussi va se mettre au diapason. Ces œuvres suivaient la Trilogie et avaient pour moteurs principaux Luke devant affronter seul le rôle des Jedi alors que Leia traverse l'évolution politique de l'ancienne Alliance Rebelle. Puisque la Prélogie va mettre en avant une époque où les Jedi sont très nombreux alors la sœur rentre dans le giron de son frère qui doit gérer toute une génération d'apprentis arrivés à maturité. Sans parler de la nouvelle période que Lucas avait toujours demandé de laisser de côté dans toutes les œuvres dérivées. De grands changements se profilent, avec un grand symbole. On appelle les années 90 de l'UE les années Bantam car après l'édition spéciale, le contrat pour les droits des romans est arrivé à son terme. L'éditeur historique n'a pas pu conserver son poste, DelRey faisant une meilleure offre. Alors, en guise de conclusion, Timothy Zhan fut chargé d'écrire une dernière histoire qui mettrait fin aux grands arcs galactiques de cette période. Ce fut le diptyque de la Main de Thrawn en 1997. Tout était assumé, le champ était libre pour redéfinir l'Univers Etendu.