Jokers, As et Dame de pique
Tout a commencé en 1983, au sein d'un cercle rôliste d'Albuquerque au Nouveau-Mexique. Un homme donne à son ami pour son anniversaire un nouveau jeu où ils pourront incarner des super-héros. Pendant deux ans, ce sera leur jeu de rôle principal. Il y a beaucoup de rôlistes qui gribouillent plus ou moins officiellement à côté, et plusieurs membres de cette bande ne faisaient pas exception à la règle. Ce joueur à qui on avait offert le jeu, alias "la Grande et Puissante Tortue" s'appelle Georges R. R. Martin. Et si vous ne le remettez pas, c'est l'individu qui a écrit ça :
Donc, deux ans après avoir commencé à jouer, Martin et ses camarades se disent qu'il y a du potentiel dans ces histoires qu'ils se sont créés. Mais le plaisir du jeu étant dans les interactions, et s'en couper pour partir dans des directions solo différentes priveraient ces personnages d'une partie de leur vécu, de leur intérêt. Nous sommes façonnés par nos relations avec les autres, et nous priver de ces autres nous entraine dans des directions bien différentes. Il fut donc décidé d'élaborer un univers partagé, commun, avec même partages de personnages. Georges R.R. Martin devient le chef de publication de ces recueils de nouvelles, chef de l'équipe responsable de la gestion de cet univers, des ordres de parution et du recrutement de nouveaux auteurs. Car le futur auteur de la Chanson de la glace et du feu (Game of Thrones pour les incultes 😉 ) est allé proposer à de nombreux auteurs de science-fiction et d'heroic-fantasy de participer. Je ne vais pas tous les citer, je vais me contenter de nommer Chris Claremont, qui était à l'époque scénariste pour Marvel Comics et à la tête de toute la franchise X-men (dont il est toujours l'auteur référence). Juste pour montrer que ce petit projet a su attirer même des grands noms des histoires de super-héros. Marvel Comics qui d'ailleurs dès le début des années 90 publiera les adaptations de certaines des nouvelles dans cette vingtaine de tomes. Ils ne seront pas les seuls à s'y intéresser. D'autres éditeurs prendront la suite. Wild Cards a été un tel phénomène qu'Universal a posé une option pour une adaptation en film en 2011 et que la chaine Syfy s'est déclaré intéressée pour en faire une série. Et ce malgré un passage à vide entre 1995 et 2002 (les trois premiers tomes de la Chanson de la glace et du feu sont sortis durant la même période, il n'y a pas de coïncidence).
Le monde de Wild Cards commence à différer du nôtre en 1946. Au sortir de la seconde guerre mondiale, un extra-terrestre se pose aux Etats-Unis avec une nouvelle inquiétante. Les scientifiques de son peuple ont choisi la Terre comme laboratoire pour tester un produit capable de faire muter les patients afin de leur donner des pouvoirs. Ce télépathe issue d'une famille royale, rapidement surnommé Docteur Tachyon, a réussi à éliminer l'équipe responsable et donc empêche des retours d'information vers sa planète. Mais la bombe est déjà sur la planète et il a besoin d'aide pour la retrouver. Le temps que le gouvernement américain se décide, il est trop tard. La bombe explose au-dessus de New York. Quatre-vingt-dix pour cent des infectés meurent. On dit alors qu'ils ont tiré la dame noire (la reine de pique, carte souvent utilisée comme représentant la Mort). Et sur les dix survivants, neuf se retrouvent atteints de difformités physiques : forme animalières, membres supplémentaires ou au contraire retirés, peau transparente, tolérance à la douleur accrue... Ce sont les jokers. Seule cette dixième et dernière victime du virus Wild Card devient un as, un être humain doté de pouvoirs surhumains : capacité de vol, télékinésie, projection de flammes, force et résistance accrue, capacité de traverser les murs... Rapidement, le virus se répand sur toute la planète mais de manière bien moins spectaculaire qu'à New York (la majorité de la population reste non touchée). Il faut aussi rajouter un dernier groupe, celui de simple humains (ou norms) qui mettent un costume pour venir jouer aux super-héros aux côtés des as et des jokers. Le docteur Tachyon choisit de rester sur Terre pour aider ceux que son peuple a ainsi fait muter.
Sorti en 1987, le premier tome de Wild Cards commence en 1946 et met en place l'univers. On y traverse les grands bouleversements de l'histoire des USA jusqu'au début des années 80, mais revus et modifiés afin de prendre en compte la présence de ces mutants si différents (les jokers s'entend, les as pouvant plus facilement se dissimuler dans les foules). Et c'est avec ce passage aux années 80 que commence vraiment l'histoire et l'apparition des super-héros présents dans le jeu de rôles du cercle d'Albuquerque. Une histoire censée se dérouler en temps réel et sur laquelle Georges R. R. Martin a promis qu'il n'y aurait pas de reboot. Ce premier tome est disponible en France depuis le 24 septembre 2014, chez l'éditeur J'ai Lu collection Nouveaux Millénaires. Le tome 2 l'est depuis le 25 février 2015 et le tome 3 depuis le 1er juillet. Si vous aimez la lecture et les super-héros, pourquoi ne pas vous laisser tenter par Wild Cards ?