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Un point sur le lore dans Return To Moria

Vous pouvez retrouver l'aperçu d'Onidra ici et celui d'Eredrim et Kathlyn par là !

Toute œuvre voulant s’appuyer sur la force d’une franchise se trouve confrontée à l’équilibre entre le respect du lore et la créativité d’une aventure originale. Ceci est d’autant plus vrai quand on parle de l’œuvre immense de JRR Tolkien. La richesse de la Terre du Milieu est un puits intarissable puisque son histoire, ses langues, ses différentes cultures et sa géographie sont autant de leviers exploitables pour créer une narration non seulement intéressante mais aussi ancrée dans la réalité choisie.

Le dosage est arbitraire ; une formule forte d’une prise en main bien ficelée et d’un gameplay solide peut faire passer certains écarts. Je pense ici à certains titres comme Shadow of Mordor où l’on peut volontiers pardonner les libertés scénaristiques grâce à une expérience de jeu nous gardant en haleine.
Return to Moria se voulait respectueux du lore et a clairement effectué ses recherches. Dans cette section, j’aborderai le lore au sens large avant de parler de l’histoire du jeu dans les spoilers.

Nous sommes au début du 2e siècle dans le quatrième âge de la Terre du Milieu, une petite centaine d’années après la chute de Sauron dans la guerre de l’anneau qui marque la fin du troisième âge. Notre personnage fait partie de la compagnie de Gimli à l’aube d’une expédition pour reprendre la Moria, cité ancestrale des Longues-barbes. Gimli serait alors très vieux et sur le point de partir à Valinor avec son ami Legolas, mais cela reste plausible. On sait que la Moria sera reprise par Durin VII, sa dernière incarnation, quelques siècles dans le quatrième âge. Cet évènement marquera le début du dernier chapitre des Nains, qui s’effaceront petit à petit du monde jusqu’à disparaître entièrement d’Arda.

Tolkien reste cependant vague sur la reprise de Kazhad-dûm, et cette première expédition n’a en soi rien d’impossible. Pour rappel, cette reconquête a toujours été une volonté marquée des Nains, mais la présence du Balrog avait été leur principal obstacle. Avec sa défaite aux mains de Gandalf et la déroute des forces de Sauron, la voie était libre dès le début du quatrième âge.

Le début de l’histoire commence alors que la compagnie ne parvient pas à rentrer par la porte de Hollin (la porte ouest, là où la communauté de l’anneau se fait attaquer par le guetteur de l’eau). À la suite d’un accident, vous vous retrouverez seul dans la Moria et devez trouver un moyen d’ouvrir les portes. Une malédiction sur ces dernières vous empêche cependant de partir, introduisant la trame narrative et la boucle de jeu : survivez et progressez vers la porte orientale. Ce faisant, vous découvrirez certaines des salles les plus emblématiques de la ville souterraine, comme la chambre de Mazarbul, le pont de Kazhad-dûm, et bien d’autres. Ces lieux clefs sont très réussis et transpirent l’amour des développeurs. C’est d’ailleurs dommage que ces moments d’éblouissement finissent par être un peu noyés par des salles quelconques et répétitives qui viennent diluer l’impression de beauté et de grandeur de la Moria.

Concept Art de The Lord Of The Rings: Return To Moria

Au gré de votre parcours vers l’est, vous tomberez également sur des postes avancés de l’infortunée compagnie de Balin, tragiquement exterminée par les orques. Grâce aux informations récoltées, vous devrez tenter de reforger la Hache de Durin, un artefact légendaire du père éponyme et véritable relique ancestrale de votre peuple.

Le respect de l’œuvre se voit dans bien d’autres aspects du jeu, notamment dans les stèles d’histoires disséminées sur votre chemin. On traitera de l’exode des Nains de Nogrod et Belegost du premier âge, venus chercher refuge à Kazhad-dûm à la chute du Beleriand. On retrouvera ainsi des armures respectant leurs traditions en référence à certains passages du Silmarillion, tels que les masques terrifiants que portaient ces Nains pour démoraliser leurs ennemis au combat. Mentionnons également le quartier elfique en honneur à l’amitié légendaire de Celebrimbor et Narvi… bref, beaucoup de clins d’œil bien placés qui découlent clairement d’une recherche sur ou d’un intérêt pour le lore.

Attention, spoilers ci-dessous. On aborde la trame du jeu et sa fin.

Après quelques temps passés sous terre, vous tomberez sur un dragon ténébreux qui semble être responsable de la malédiction sévissant dans la Moria. Cette dernière se manifeste par d'épaisses couches de fumée mauve qui vous feront perdre espoir jusqu'à en mourir. Si cette représentation "physique" du désespoir est un peu grossière (mais compréhensible, il faut bien symboliser la chose dans un jeu), la notion d'espoir est, elle, très importante dans l'oeuvre de Tolkien.

Mais attardons-nous tout d'abord sur l'éléphant, ou plutôt le dragon, dans la pièce ! Si aucun écrit ne soutient la présence d'un dragon dans la Moria à n'importe quelle époque, c'est loin d'être impossible. L'histoire des Nains est entremêlée de conflits avec les orques mais aussi... avec les dragons. Ces derniers sont responsables de la ruine de nombreuses cités ancestrales naines. Le cas le plus connu est évidemment celui de Smaug, qui força au troisième âge les Nains d'Erebor à s'exiler. C'est l'histoire qui est narrée dans Le Hobbit.

Smaug the Golden
Illustration de John Howe pour l'une des couvertures d'un des livres de Tolkien

Si l'on revient à Return to Moria, nos chemins nous amènent jusque sous Caradhras où l'on découvre la Kazhadstone ancestrale, une pierre passée de père en fils dans la lignée de Durin. Le jeu explique alors que s'il n'y a pas de Durin VII, c'est parce que la pierre a cessé d'être léguée. C'est une invention sympa mais ça s'arrête là. Il n'y a rien pour soutenir cette théorie dans le lore.

Enfin, la confrontation finale avec le dragon (dans la salle où a été réveillé le Balrog) s'achève et nous permet de reconstruire le pont menant à la porte est de la Moria. Il est alors révélé que le dragon n'avait rien à voir avec la malédiction. Cette dernière serait la manifestation physique du mal de Melkor (Morgoth pour les intimes). La lignée de Durin aurait eu comme devoir sacré de contenir les ténèbres. Cette invention n'est pas mal amenée, et si elle est un peu maladroite, elle a le mérite d'exister et de donner une explication à la malédiction. À souligner (puisqu'on est là pour ça) que cette théorie n'est amenée par aucun écrit ou aucune hypothèse dans le lore de Tolkien.

En conclusion, on peut clairement sentir l'amour des développeurs pour l'univers de la Terre du Milieu et les efforts qui ont été faits pour comprendre et interpréter l'histoire et la culture naines dans un jeu vidéo de survie. En tant que pinailleur de première, je remercie les développeurs d'avoir compris quelque chose d'essentiel dans toute adaptation d'un chef d'oeuvre : rien ne sert de changer ce qui marche, et respecter l'oeuvre dans ce qu'elle exprime de plus fondamental doit toujours être une priorité. À bon entendeur...



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