Mirages of Winter – Mon but n’est pas le poisson (Zhang Zhihe)
Le jeu du studio Mirari se charge doucettement. Chaque saison a un gardien. « Le gardien de l’hiver est la Tortue noire ». Un rouleau se déploie et découvre l’univers, le soleil, les nuages, le yin et le yang, les cinq éléments.
Le feu rouge, la terre jaune, le métal blanc, l’eau bleue (dommage, il la faudrait noire, mais peu importe !) et le bois vert. Équilibre des couleurs, équilibre des éléments. Dans cet équilibre, les saisons se positionnent : à l’eau, au Nord, correspond l’hiver - au métal, à l’ouest, voici l’automne – au feu, au Sud, nous trouvons tout naturellement l’été et le printemps attire le bois de l’est. Il est incontestable que le maître d’œuvre de ce jeu a des connaissances solides de la pensée cosmologique chinoise.
Tout cela sur fond de Daegeum (flûte traditionnelle coréenne) qui offre davantage des sonorités, des grappes de notes plutôt qu’une mélodie, comme un souffle qui anime l’écran et que des bruitages d’eau renforcent et dynamisent. Et toujours sur le même rythme : lent, très lent. Avec cette flûte qui apaise (ou risque d’énerver, c’est selon !) et ce flux liquide qui vient et va, selon une marée toujours constante.
Les graphismes sont sur le même mode : épurés, délicatement teintés de rose et de jaune, voire traités selon la bonne tenue du pinceau et de la maîtrise de l’encre et du pinceau. J’aime, je ne vais pas le cacher.
Maintenant passons au jeu lui-même et là je vais me couvrir de ridicule car, si je suis bien partie vers une des 4 petites îles, chacune appareillée à une saison, je ne suis pas allée bien loin. Un pêcheur titille le goujon, il allume une lanterne. Plus tard il déploiera une voile, tendra la main vers un arbre sur la rive, une branche d’abricotier tombera dans un bocal, puis s’en échappera, légèrement. Je quitterai le pêcheur, je laisserai derrière moi le phare et le vieux kiosque. La neige se mettra à floconner et … il faudrait bien que je collecte des tableaux. Je tape des cailloux l’un contre l’autre pour allumer la cheminée dans la cabane du pêcheur mais mon feu ne prend pas. J’arriverai juste, un peu plus tard, à gratter mon bâtonnet d’encre… Vous aurez compris que c’est un jeu de puzzle où chaque élément (en liaison toujours avec la nature) déverrouille un autre élément etc… Rien que du facile donc. D’autant que le jeu s’adresse à un public à partir de 3 ans…Oui mais voilà je n’ai plus 3 ans.
J’ai donc pris ce « jeu » autrement. D’une façon différente. À l’invitation d’ailleurs de Martin Goldschmid, l’initiateur de ce petit bijou :
En tant que peintre, je vois l’acte de créer un jeu comme l’acte de peindre une toile. Je veux créer une œuvre pour tout le monde et qui peut être apprécié comme un jeu et aussi comme un espace poétique où le joueur peut penser à sa propre existence.
C’est cela que je vais faire ! D’autant que sans aucun doute, le personnage du pêcheur n’a pas été choisi au hasard : dans les textes taoïsants, la figure du pêcheur, du yufu, est liée à celle du sage caché. À mon avis, c’est vraiment comme cela qu’il faut prendre Mirages, comme une sorte de quête initiée par ce pêcheur philosophe, comme une lente berceuse à l’aune d’un temps révolu.
Je ne vais pas épiloguer davantage, ce ne serait pas rendre hommage à ce que j’ai sous les yeux. Le jeu est disponible sur iOS (iPhone & iPad) à 5,49€. Depuis le 20 mars … J’ai pris mon temps… à l’image de la tortue…