Rainswept – Un roman narratif touchant
Lorsque j'ai reçu la clé non sollicitée de Rainswept, je n'étais pas particulièrement emballée par le titre des studios Frostwood Interactive, un jeu d'aventure dans lequel nous incarnons un détective chargé d'élucider un double meurtre, avec un trench-coat comme Colombo (ou Castiel suivant vos références), sans doute à cause des graphismes étranges, mais également de l'histoire déjà vue, revue et rabâchée par des milliers de jeux.
Mais bon... j'avais la clé qui m'attendait dans un email au demeurant sympathique. J'ai réussi à me convaincre de l'installer après quelques jours à tourner autour : ne faut-il pas également soutenir les projets des petits studios indépendants, nous qui sommes également indépendants ? Surtout que les critiques sur Steam sont positives... Enfin, voilà... J'installe le jeu, je verrai bien. En quelques minutes à peine c'est réglé, et je me lance.
Et quelle surprise !
Premiers pas
L'interface est assez frustre, cela va à l'essentiel. Un passage dans les options et je connais désormais les raccourcis, qui seront de toute façon résumés par la suite en jeu comme je le découvrirai peu après. L'histoire débute par une journée pluvieuse d'octobre 1996, sur une route de campagne. Mon personnage, le détective Michael Stone, arrive dans la petite ville de Pineview pour aider la police locale à résoudre une affaire.
Encore à l'extérieur de la maison, je fais mes premiers pas, guidée par un tutoriel, et me retrouve obligée de passer mon clavier en QWERTY comme souvent. Les décors sont en 2D, le personnage marche de droite à gauche, toujours sur la même ligne, avec des points de sortie pour passer d'une zone à l'autre, soit lorsqu'on arrive d'un côté au bout de l'écran, soit en interagissant avec un panneau de rue. Tous les objets interactifs s'utilisent avec la souris ou directement avec le clavier avec, suivant les situations, l'option de regarder, de parler ou d'utiliser. Un inventaire est pris en charge, je n'ai cependant pas vraiment encore eu besoin de l'utiliser : le jeu s'adapte automatiquement et incite à utiliser le bon objet sans qu'il soit nécessaire de s'en saisir auparavant.
Les dialogues s'affichent en haut de l'écran, avec à chaque fois des réponses (numérotées de 1 à X). Ces choix sont toujours définitifs, et parfois certaines questions ne pourront plus être posées si le moment est passé. Heureusement, notre détective aura parfois d'autres occasions et, dans d'autres cas, il a le temps de poser toute sa liste. Il est également possible de choisir comment réagir (rester silencieux, être sarcastique, être agressif...), j'ignore par contre si cela a un impact réel sur les événements, difficile d'en juger.
Une fois dans la cuisine, je découvre les deux victimes : Chris Green, 26 ans, mort d'une balle dans la tête, et Diane Miller, 24 ans, morte d'une balle dans le ventre. Les deux victimes vivaient ensemble, ayant déménagé assez récemment dans la ville, sans pour autant être mariées. L'enquête débute alors, en compagnie d'une policière locale, l'officier Blunt, qui m'aidera à me familiariser avec les gens du coin.
Stone marque toutes les découvertes effectuées dans un carnet, accessible à tout moment (Tab), détaillant les informations trouvées, mais également un résumé des discussions menées. Il considère chaque habitant de la ville comme un suspect potentiel et note consciencieusement les alibis et les motivations de chacun.
La ville est relativement grande, avec plusieurs rues, pas forcément toujours accessibles suivant les journées. En effet, chaque matin, l’officier Blunt et Stone discutent de l'avancée de l'enquête en prenant un café dans un pub local et adaptent leur planning du jour en fonction du résultat de leur discussion. Les tâches à effectuer sont ensuite résumées dans une liste (N), une page spéciale du carnet qui évite de se perdre, les lieux étant marqués à nouveau avec leurs adresses. Un coup d’œil sur la carte (M) et c'est parti.
Histoire
Jeu narratif bien plus qu'un point-and-click, les rares énigmes sont très simples et font appel au bon sens, ne demandant pas de combiner une foultitude d'objets ou de courir partout pour trouver le bon objet. Il suffit généralement d'aller parler au PNJ à côté, ou encore de fouiller dans la voiture la plus proche pour trouver l'objet requis et débloquer la situation.
Malgré cette simplicité du gameplay, le jeu offre une profondeur inattendue des personnages, changeant notamment de points de vue au fur et à mesure qu'on en apprend plus sur la vie de Chris et Diane, via des témoignages ou des écrits. Cela donne l'occasion de revivre leur première rencontre, leur premier baiser, leur emménagement, brisant leurs secrets dans l'espoir de résoudre le crime.
Peu à peu, je me suis surprise à me prendre d'amitié pour ces gens, y compris pour Stone, torturé par un passé qui vient le hanter chaque nuit et le plonger dans des cauchemars effrayants. Un homme brisé, qui n'y croit plus, une dernière affaire qu'il compte bien résoudre, avant de peut-être arrêter de se battre. Cela ajoute du rythme à l'histoire, donnant au personnage principal un ultimatum à tenir alors que le fantôme de sa femme décédée le presse de la rejoindre.
Enfin, la trame se permet des écarts, avec des pans de vie, les matinées passées au café, ou encore cette soirée d'anniversaire durant laquelle les personnages se confient et discutent autour d'un verre... et de beaucoup d'autres, jusqu'à terminer sur la piste de danse dans des poses ridicules.
Il y a également cet homme, sur son banc, sur le chemin vers l'hôtel, qui chaque soir demande de l'aide pour une strophe de la chanson qu'il essaie de terminer.
Ou encore cette possibilité de changer son apparence, dans sa chambre d'hôtel, pour varier le look de notre détective déprimé, toujours une clope au bec.
Graphismes et ambiance
La musique est agréable, bien menée, et en accord avec l'ambiance très spéciale du jeu, une réalisation de Micamic (Downfall, The Cat Lady, Lorelai). Les personnages ne sont par contre pas doublés, restant tous silencieux, les dialogues sont exclusivement écrits, et pour le moment seulement en anglais.
Du côté des graphismes, vous l'aurez peut-être vu dans les captures d'écran ci-dessus, cela se révèle au final vraiment joli. Alors oui, c'est de la 2D pure et les personnages ne marchent pas exactement sur les éléments du décor. Ils ont tous une démarche assez saccadée, surtout le héros lorsqu'il court, avec ses grands bras trop minces qui lui donnent une dégaine inégalable. Pourtant, un grand soin a été apporté à la photographie, avec des compositions vraiment bien réalisées, jouant avec des effets de lumière étonnants dans un jeu qui n'a pourtant pas de gestion dynamique d'ombres et des assets très carrés.
Jugez plutôt :
Conclusion
Alors que je n'avais aucune envie de jouer à Rainswept, j'ai au final adoré. Ce jeu narratif possède exactement tous les composants attendus dans un jeu de ce type : une belle histoire, des personnages attachants, un style graphique, une ambiance musicale... Par contre, je le rappelle, les textes sont uniquement en anglais donc ne vous y lancez que si vous lisez sans problème la langue de Shakespeare, il y a du texte, beaucoup de texte, et c'est l'un des intérêts majeurs, donc vous passeriez à côté du principal. Ne vous attendez pas également à de la résolution d'énigmes à la pelle, comme dans un point-and-click qui demande de combiner les 20 objets de son inventaire pour créer un super bidule. Le jeu tend vraiment plus vers la visual novel que le jeu d'aventure comme cela est indiqué dans la description sur Steam.
En tout, comptez quatre à cinq heures pour terminer le jeu, dépendant de votre habileté à mener une enquête, ou si vous cherchez à résoudre tous les mystères de cette petite ville.