Until Dawn
Scream, Vendredi 13, Les Griffes de la Nuit ou encore Massacre à la tronçonneuse... Ces films, plutôt connus, peuvent tous être placés dans la catégorie des slashers, un genre apparu à la fin des années 80 qui dispose de codes bien précis : on prend un groupe de personnes (jeunes et idiots, de préférence), qui ont tous un passé commun assez sombre, et qui seront tous sous le joug d'un tueur bien décidé à les punir, en les tuant, un par an, jusqu'au dernier. Until Dawn reprend la plupart de ses codes à la lettre, mais sous forme de "jeu vidéo". La recette est-elle toujours aussi efficace ? C'est ce que l'on va tenter de voir dans les lignes qui suivent.
Il est bon de préciser que le titre de Supermassive Games n'est pas comme les autres. Vous aurez probablement remarqué les guillemets ci-dessus, qui ne sont pas là pour rien. En effet, l'équipe à l'origine de ce slasher vidéo-ludique ne cache pas sa fascination pour les productions de David Cage, et s'est largement inspiré d'Heavy Rain, en reprenant le gameplay basé sur l'exploration des lieux, les choix, ou encore les très nombreux QTE. Est-ce un bien ou un mal ? Tout dépendra de votre façon de jouer, si la manière de jouer aux productions Quantic Dream vous a rebuté, Until Dawn risque de vous déplaire également. Si en revanche cela ne vous dérange pas, sachez que vous serez en terrain connu, avec un petit bonus sympathique : on touche un peu plus la manette que sur Beyond : Two Souls (pas bien difficile, argueront certains) et les choix et QTE foirés seront ici bien plus punitif.
Comme indiqué au tout début de l'article, le scénario reprend des codes assez connus. On suit les aventures de 8 protagonistes qui se retrouvent un an après un événement tragique pour rendre hommage à 2 amies mortes : Hannah et Beth. Le début du jeu, franchement poussif et longuet, est là pour présenter les 8 personnages du soft, on en apprend plus sur les différentes relations et sur le caractères de chacun (avec les stéréotypes habituels : la bimbo, le beau-gosse, la connasse de service, le sportif, le blagueur, etc...). L'aventure décolle ensuite et surprendra, étonnamment, grâce à de sympathiques rebondissements et une évolution intéressante de l'histoire et des personnages, qu'on n'attendait pas forcément de prime abord. La peur fera ressortir certains pans chez les personnages et, par extension, sur le joueur, qui sera responsable des différents choix et donc, de la survie, ou non, des 8 personnages. Cette peur d'ailleurs, parlons-en.
Until Dawn fait peur, c'est un fait. Alors non, il ne faut pas s'attendre à une peur aussi subtile que sur Silent Hill ou Amnesia, pour ne citer qu'eux. Le jeu reprend le code des slashers, et se base presque uniquement sur les très (trop) nombreux jumpscares pour faire peur au joueur. On ne s'y attend pas franchement au début, donc oui, on sursaute (et on crie un peu) et le jeu remplit parfaitement son objectif... au début. A trop multiplier cet artifice, Until Dawn finit par ne plus surprendre, et provoquera au mieux un petit hoquet de peur, au pire une indifférence générale, surtout lors du dernier tiers de jeu. Comptez 8 heures pour voir le bout de l'aventure en prenant votre temps, 9 heures en tentant de ramasser tout les objets. Le jeu permet une certaine rejouabilité pour voir les différentes morts des personnages (la fin avec les 8 persos morts, celle avec tout les personnages en vie, etc) mais il faut accepter de se refaire toutes les cinématiques, impossible à zapper, même lors d'un second run. On notera toutefois la possibilité de sélectionner le chapitre que l'on souhaite refaire.
Concernant la partie technique, c'est très solide, mais pas exempt de défauts. On sera bluffé par la modélisation des personnages, et on reconnaître sans aucun mal les différents acteurs ayant prêté leur traits aux personnages : Rami Malek (Mr Robot), Hayden Panettiere (Heroes), Brett Dalton (Agent of SHIELD) ou encore Peter Stormare (Prison Break, Fargo). On notera toutefois quelques problèmes dans certaines animations, avec des visages parfois totalement déformés à cause d'émotions bien trop accentuées. Pas dramatique en soit, mais l'immersion prend un sacré coup. Concernant les divers environnements visités, c'est assez beau, on peut reprocher certaines textures un peu grossières, et les baisses de framerate, qu'on aimerait moins fréquentes, mais rien qui ne vient nuire à notre aventure. Difficile de juger la partie artistique ici, le jeu se veut réaliste et y parvient assez bien.
Pour la partie sonore, c'est très efficace. Les sons d'ambiance sont parfaitement amenés, les bruits inquiétants ne laissent que rarement l'esprit tranquilles, et les rares musiques accompagnent très justement les courses poursuites et autres passages stressants du jeu. Pour le doublage, je ne saurais que trop recommander la VO, pour une synchronisation labiale optimale et une meilleure implication des acteurs. La VF reste agréable à l'oreille, mais se révèle moins percutante. Petit point négatif d'ailleurs, les sous-titres sont assez mal placés et la présentation pas toujours claire.
Until Dawn est un jeu que j'ai beaucoup apprécié, malgré les divers points négatifs cités au-dessus. L'histoire m'a happé, alors que je n'étais pas spécialement emballé au début. J'ai pris un plaisir fou à parcourir la montagne, à voir évoluer mes personnages, à m'attacher à certains d'entres eux (pas gagné d'avance quand on voit le casting au début de l'aventure), voire à souhaiter la mort de certains d'entres eux, à me sentir mal à l'aise à chaque intervention du psy, ou à m'en vouloir lors de la mort d'un personnage que je souhaitais à tout prix garder en vie. Until Dawn est punitif : un QTE foireux, un choix mal-avisé, et c'est la mort assurée, et ce n'est jamais beau à voir... Reste la question du prix, je n'ai personnellement pas regretté mon achat (45€ sur Amazon en précommande) mais la question peut légitimement se poser, 60-70€ le "film interactif", c'est probablement cher payé. A 30-40€, la pilule passera probablement mieux, du moins si vous n'êtes pas réfractaire à ce type de jeu.