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La grande histoire des pirates des Caraïbes

Cette semaine, je me suis acheté un livre : Black Flag d’Oliver Bowden. Cet auteur est celui qui a retranscrit en roman tous les jeux de la série Assassin’s Creed. Et celui-ci est bien l’adaptation du tout dernier de la série, celui qui vient de sortir. Vous vous demandez sûrement pourquoi je le prends au risque de me spoiler l’histoire. Ce point est peu important pour moi, je ne pourrai de toute façon pas toucher au jeu avant janvier prochain (une histoire de place sur la liste de livraison de la PS4) alors ça m’aide à passer le temps. Et puis ça reste une grande histoire de piraterie.

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La piraterie… Elle existe depuis que la marine a pris le large et on en trouve toujours en notre ère moderne. Mais une seule a jamais retenu l’imaginaire de tout l’occident. Et ce avant même sa fin, avec la publication en 1725 de l’Histoire générale des plus fameux pyrates du capitaine Charles Johnson. Ce livre, contesté historiquement car certains faits ne peuvent être prouvé et qu’on suppose derrière ce pseudonyme un célèbre auteur de fiction (Daniel Defoe, celui qui a écrit Robinson Crusoé) reste la source numéro un quand on veut traiter des pirates des Caraïbes. Nul doute qu’il a été utilisé dans la genèse de l’histoire d’Assassin’s Creed Black Flag. Les auteurs de la série sont réputés pour leur rigueur historique. Mais l’épopée des pirates des Caraïbes est peuplée de légendes, que l’on considère comme incontournables quand elles ne reposent que sur un détail éphémère.

Comme par exemple le célèbre repaire de l’île Tortuga. Ce nom complètement anachronique fait amalgame entre une île au large du Venezuela, qui porte encore ce nom aujourd’hui, et la première grande base des corsaires qui ont occupé cette mer et dont le nom c’est francisé dès cette époque. Le français étant toujours une langue officielle d’Haïti, on ne doit l’appeler que l’île de la Tortue. Elle n’a aucune raison apparaître dans Assassin’s Creed Black Flag car sa base est abandonnée à cette époque. L’occupation de la Tortue et l’aventure des grands capitaines pirates sont le début et la fin d’une grande aventure. Une aventure que tous les PNJ du jeu doivent avoir en tête, comme les contes que racontent les vieux au coin du feu.

La genèse de la Flibuste Antillaise (nom officiel donné par les historiens français à ce mouvement) peut être datée de 1492. Cette année-là ont lieu deux événements qui vont faire de l’Espagne la première puissance européenne : la fin de la Reconquista et la découverte de « la voie des Indes par l’ouest » par Christophe Colomb. Le premier est une victoire de prestige sur les musulmans alors que la papauté catholique était contestée par la réforme protestante naissante. Le second va donner accès à un nouveau monde aux très nombreuses richesses. Le pape Alexandre VI (Rodrigo Borgia, celui d’Assassin’s Creed II et Assassin’s Creed Brotherhood) va rapidement partager ces nouveaux territoires entre Espagne et Portugal, leur assurant l’exclusivité sur toutes les richesses de l’Amérique. Richesses qui financeront la puissance du siècle d’or espagnol. Puissance que la Flibuste réussira à briser.

Les anciennes puissances de la France et de l’Angleterre, ainsi que la Hollande, ne tardèrent pas à envoyer des corsaires intercepter les navires chargés d’or. Ces capitaines étaient principalement protestants et se faisaient donc un devoir de défier le champion catholique. Comme il y a tout un océan à traverser, ils installèrent une base internationale, partagée, au nord d’Hispaniola (île aujourd’hui partagée entre les pays d’Haïti et de la République Dominicaine), la fameuse île de la Tortue. Cette grande alliance durera quelques années, jusqu’à ce qu’une contre-attaque espagnole les déloge. La France jugera alors qu’il est temps de d’avancer plus avant et envoya une armée envahir des territoires espagnols. Hispaniola devint Saint-Domingue et son gouverneur s’installa à la Tortue. N’appréciant pas d’avoir un nouveau rival sur cette scène, l’Angleterre suivit et s’installa à Kingston en Jamaïque. Finie l’alliance, maintenant c’était la concurrence.

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La situation dans la mer des Caraïbes commence à devenir compliquée. Officiellement, trois puissances se font face et colonisent les terres américaines. La course à l’or a beaucoup chuté, de nouvelles ressources les remplacent dans des navires marchands. Traditionnellement, l’Espagne ne fait toujours pas appel à des corsaires, préférant privilégier de lourds navires militaires. Et si la France et l’Angleterre ne sont pas alliées officiellement, leurs capitaines n’hésitent pas à jouer l’offre et la demande entre la Tortue et Kingston, cumulant souvent des lettres de course (attestation que l’on est bien corsaire et donc que l’on peut vendre les marchandises piratées dans le port) des deux puissances.

C’est un concours de circonstances qui a permis à l’Angleterre de passer devant la France dans cette rivalité. Henry Morgan, chef de file des flibustiers anglais, avait imaginé un raid audacieux, qui nécessitait la coopération de tous les capitaines présents dans les Caraïbes. La disparition opportune de son rival français, l’Olonnais, lui permit d’aller se faire entendre à la Tortue. La réussite de son plan réunifia la flibuste sous ses ordres, ce qui veut dire du côté de la Jamaïque. Et cela dura jusqu'à ce qu’il prenne sa retraite et retourne à Londres chargé d’honneurs.

Cette période prit fin à cause d’éléments qui se mirent en place dans l’ancien monde. Une délégation de catalans monta à Paris pour demander au roi Louis XIII de les envahir pour les libérer de l’Espagne. La guerre entre les deux puissances, qui se menait depuis plusieurs générations de manière détournée, devint ouverte. Perpignan et les territoires au nord des Pyrénées seront rapidement prises. Ni la mort du premier ministre Richelieu, ni celle du roi qui suivit, une régence menée par un nouveau ministre impopulaire, une reine mère espagnole ou encore une guerre civile partiellement financée par l’Espagne… Rien de tout ceci ne permit de renverser la tendance. Tout au plus de limiter les pertes. Le mariage de Louis XIV avec sa cousine et le traité des Pyrénées ne font qu’entériner une situation bien évidente : la France a remplacé l’Espagne en tant que première nation européenne. Le règne du jeune roi sera parsemé de nouvelles guerres contre la Hollande puis l’Angleterre, les deux autres nations qui fournissent des flibustiers à la mer des Caraïbes.

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Être élevé par une mère de la maison d’Espagne entraîne un certain nombre de conséquences dans sa vision de la vie. Le protocole en est un des éléments les plus évidents, si jamais vous allez faire un tour du côté de Versailles. Un musée de l’armée en est un autre : un mousquetaire de la compagnie de Tréville n’avait qu’une casaque obligatoire et le reste était laissé approximatif, celui du successeur d’Artagnan réglementera même des parties non visibles. Du point de vue de la marine, il abandonne les mercenaires corsaires pour se reposer sur une flotte inspirée de l’invincible armada espagnole. Donc il se débarrasse d’une formule qui a fait ses preuves parce qu’elle ne lui plait pas pour la remplacer par un modèle qui accumule les échecs. Si l’Angleterre envoie elle-aussi sa marine militaire veiller sur la sécurité de ses colonies, elle privilégie toujours la vitesse. Les différences au sein de la flibuste s’accentuent. Le gouverneur de Saint-Domingue quitte la Tortue, celui de Louisiane ne nomme plus de corsaires… Contrairement aux gouverneurs des futurs états fondateurs des USA. Le rapport de force est évident.

La plus importante des guerres du règne de Louis XIV est la Guerre de Succession d’Espagne. Comme chaque fois qu’un roi meurt sans enfant, on fait le tour de sa famille. Deux candidats potentiels : le cousin empereur d’Autriche et le neveu fils de la femme du roi de France. Les différents pays d’Europe s’alignent en fonction de leurs alliances ou de leurs rivalités. Les résultats de la nouvelle marine sont trop mitigés pour en tirer un vrai résultat, la France recrute de nouveaux corsaires en masse. En face, l’Angleterre suit. Toute une nouvelle génération se lance dans la Flibuste. Ce sera la dernière. C’est cette génération que suit l’histoire d’Assassin’s Creed Black Flag.

Il est difficile de dire qui est le vainqueur de la Guerre de Succession d’Espagne. L’Angleterre avait la haute main militairement parlant, mais négocia et accepta les prétentions françaises. Mais on peut considérer les corsaires comme les grands perdants. Une paix dans ces conditions se fait avec des démonstrations de bonne volonté dont fait partie un certains désarmement. En l’occurrence la disparition des lettres de course entre les maîtres des colonies de la région. Plus de corsaires, alors que les marins étaient plus nombreux que jamais dans cette zone. Depuis plusieurs années, ils n’avaient qu’un seul savoir-faire. Contre qui le retourner ? L’Espagne n’est plus que l’ombre de ce qu’elle a été. Les possessions françaises sont éparpillées. Seules les colonies anglaises sont suffisamment regroupées pour assurer suffisamment de cibles potentielles. Tant pis pour l’ancienne allégeance de la plupart.

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Le capitaine Benjamin Hornigold trouvera une île déserte depuis un canonnage intensif durant la guerre : New-Providence (île aujourd’hui quasiment recouverte par la ville de Nassau). Il pointe directement sur la côte est des futurs USA. Sous la chasse-partie (code des pirates) inspirée par Bartholomew Roberts, il devient le mentor des jeunes capitaines qui viennent le rejoindre. C’est la République des Pirates. C’est aussi à cette époque qu’est adopté un symbole grandement associé à la piraterie mais qui n’existait pas avant cette génération : le drapeau noir à la tête de mort.

La France n’avait pas attendu longtemps pour proposer un choix à ses pirates entre pardon royal en intégrant l’armée ou l’exécution ignominieuse. L’Angleterre ne le fera que quand la République des Pirates eut atteint son apogée. Et ses promesses et menaces étaient effectuées par d’anciens flibustiers corsaires : Henry Morgan en Jamaïque et Woodes Rogers aux Bahamas (qui fera de New Providence son palais du gouverneur). Un grand nombre de capitaines, menés par les français La Buse (dont l’exécution inspirera à Eiichiro Oda celle de Gol D Roger dans One Piece), partit tout recommencer en des terres moins surveillées du côté de Madagascar. Benjamin Hornigold devint un des principaux chasseurs de pirates de la mer des Caraïbes. Mais d’autres restèrent et se taillèrent les premières places dans la légende.

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Les pirates restants conservaient certains alliés, comme le gouverneur de Caroline du Nord. Mais trop d’ennemis se liguent contre eux et des trahisons internes les affaiblissent fortement. Les capitaines tombent les uns après les autres, dans des circonstances qui parfois sont difficiles à croire (la dernière bataille de Barbe-Noire par exemple). Et pourtant… Les chasseurs de pirates ne retireront pas grand prestige de leurs réussites. Le lieutenant Robert Maynard (le tombeur de Barbe-Noire) n’obtiendra jamais la récompense et le grade qui lui étaient promis. Woodes Roger sera enfermé à Londres pour dettes. Benjamin Hornigold sera trahi par son équipage. Seul Henry Morgan s’en tire bien, mais lui n’avait plus besoin de chercher à faire fortune. Il était déjà à l’abri.

Ainsi s’achève la grande aventure de la Flibuste Antillaise. Mais déjà la légende s’en est emparée. En témoigne l’Histoire générale des plus fameux pyrates du capitaine Charles Johnson, ouvrage d’époque. Ou la vie de Calico Jack (Rackham le Rouge pour les fans de Tintin), un de ces tous derniers capitaines, qui a exploité beaucoup plus la réputation de ses confrères qu’il n’a nourri la sienne. Rapidement, l’intérêt envers ce milieu continuera d’augmenter. Israël Hands, un lieutenant de Barbe-Noire, finira même comme personnage dans l’Ile au Trésor de Robert Louis Stevenson, la référence du genre. Et même si des corsaires firent leur retour pour la jeune nation des USA lors de leur Guerre d’Indépendance, ou pour la France de la Première République et du Premier Empire, et que d’autres pirates continuent d’écumer les différentes mers du globe, c’est toujours cette période qui fait rêver. C’est cette période que l’on a envie de revivre. Cette période dans laquelle nous emmène Assassin’s Creed Black Flag.



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